
Revivez le webinaire sur la vérification apprenante !
IN ITINERE a fait le pari d’une vérification apprenante, conçue comme un levier de progression collective et un outil au service du caractère génératif des missions des sociétés. Entre intention et exécution, notre approche permet d’accompagner les entreprises dans la complexité de leur engagement.
Lors de notre webinaire, nous avons exploré ensemble les enjeux de la reddition et partagé des réflexions enrichies par vos expériences et questionnements. Vous avez été nombreux à nous faire confiance et à contribuer à cette discussion essentielle. Merci à vous !
📺 Retrouvez dès maintenant la rediffusion de notre webinaire et continuez à nourrir la réflexion avec nous ! :
Wébinaire In Itinere 25.01.2025 monté ‐ Réalisée avec Clipchamp.mp4 – OneDrive
Synthèse de nos intervenants
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Jeremy LEVEQUE
Il ne faut pas laisser au jugement de chacun la connaissance de son devoir ;
il le lui faut prescrire, non pas le laisser choisir à son discours.
Montaigne, Essais, II.
Cette citation illustre la question du jugement, assez critique, que l’on porte sur les activités des entreprises, en cette période où elle est de plus en plus sommée de rendre des comptes sur ses actions.
Les tensions sont constitutives du dispositif de société à mission qui constitue à la fois un engagement formel, contraignant, et en même temps faire l’hypothèse que cet engagement est aussi un espace de liberté laissé à l’entreprise pour orienter ses choix de responsabilisation.
Quels sont les enseignements des travaux conduit à partir des pratiques des sociétés à mission sur l’effectivité de ce schéma de gouvernance, sur les écarts entre la promesse et le réel ?
La formulation de la mission fait l’objet de nombreuses difficultés : qu’est-ce que l’on y fait apparaître ? quelle méthode utiliser pour aboutir à une mission ambitieuse et crédible qui soit à la fois engageante et innovante ? qu’est-ce que cela implique de formuler une mission qui porte sur des enjeux de transformation et qui puissent rester contrôlables ?
Issue d’un travail de recherche, une grille d’analyse pour une mission robuste et responsable a été élaborée. Elle identifie les enjeux complexes, systémiques, les interdépendances, les activités contradictoires, les apprentissages et l’intégrité pour qualifier ce qui fait qualité et respect d’une promesse. Un deuxième livrable des travaux propose une méthode de formulation. Une sorte de cahier des charges qui permet aux dirigeants de se confronter à des situations de mise en opposabilité et à des tests de robustesse des formulations sur des tensions plus ou moins latentes, des apprentissages à fournir pour rendre les engagements crédibles.
Une lecture de la mission par son engagement génératif et par les indépendances, permet de suivre et de situer les entreprises dans une variété de régimes de responsabilité. Deux directions sont critiques et intéressantes à suivre : ce qui rend possible le caractère génératif et ce qui rend crédible le contrôle associé. Pour cela, il convient de comprendre et de pousser ce qui se passe dans les comités de mission, les conditions requises pour conduire le contrôle et l’articulation avec la gouvernance, et aussi questionner ce double schéma de contrôle entre le comité de mission et la vérification par un organisme tiers indépendants. Quelles sont les prérogatives des uns et des autres, comment se nourrissent, se superposent ces exercices pour être au service de la qualité de la mission ?
Le comité de mission est un organe ad hoc qui a des caractéristiques inédites. Ce n’est ni un conseil d’administration, ni un comité de parties prenantes consultatif, ni un comité indépendant qui rendrait compte aux parties prenantes. Les questions sont encore ouvertes pour élaborer de bonnes pratiques sur la composition du comité de mission, les méthodes pour organiser ses activités, les compétences spécifiques pour suivre et construire son avis sur l’exécution de la mission. Le comité doit pouvoir questionner les activités de l’entreprise, tout comme les antagonismes qui existent entre les différents objectifs.
Comment rendre compte et restituer de la singularité de la société à mission dans les procédures de vérifications des OTI, comment penser la vérification sans dénaturer son esprit initial qui est de promouvoir une libre formulation de l’engagement et un contrôle que l’on voudrait expert, à la fois délibératif mais aussi utile pour faire progresser l’entreprise.
De façon pratique, dans la formulation des missions, plutôt que de faire valoir ce que l’entreprise fait bien, il est plus important de préciser les points durs, pour précisément mettre en évidence ce que l’on a besoin d’inventer au-delà du “business as usual”, et préciser comment l’entreprise compte dépasser ses limites. De là découle l’interaction avec le comité, sa composition et ses méthodes de travail. Au-delà d’un exercice de reporting et dans une certaine mesure, le travail du comité peut aider à relever ces difficultés, à la fois sur ces interdépendances un peu critiques formulées dans la mission, et sur la manière dont on pourrait effectivement conduire des explorations.
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Pascale Levet
«…Ce qui manque ne saurait être compté »
L’ecclésiaste, 1-15
Cette citation – extrait de citation -, illustre la tension entre quelque chose qui n’existe pas encore – on attend de la mission qu’elle puisse le faire advenir – et un exercice de vérification compris comme l’objectivation par la mesure d’un existant. Mais comme la mission est un “à venir”, elle ne saurait être comptée… comme l’annonce ce webinaire, vérifier n’est pas mesurer.
Qu’est-ce que la capitalisation des missions de vérification nous enseigne du point de vue des démarches de vérification ?
Nous travaillons à démontrer, sur le plan scientifique et empirique qu’il y a un espace pour un « esprit » de la vérification passant par le dialogue sur ce que la mission fait à l’activité – et non sur l’atteinte d’objectifs chiffrés fixant l’exécution de la mission. C’est un élément fondamental de la démarche et de la méthode de vérification que nous travaillons sur le plan académique et pratique avec IN ITINERE.
La capitalisation des missions d’IN ITINERE suggère plusieurs pistes de réflexion. D’abord, on constate d’une vérification à l’autre que celle-ci ne sert pas l’entreprise de la même façon selon que sa mission est envisagée comme une « super RSE » ou qu’elle se déploie dans un cadre de référence qui incite à l’exploration, à la régénération des capacités d’innovation. Cette partition posée, on constate des nuances dans l’exercice de la vérification selon que l’entreprise a conservé de la “place” pour l’exploration ou qu’elle est “captive” de multiples indicateurs, de normes, de labels, etc. Tout ceci ayant notamment des effets sur la façon dont son Comité de Mission va pouvoir se saisir de son rôle.
On peut encore mentionner ici que les entreprises qui exercent des métiers où les outputs sont tangibles, ne sont pas confrontées aux enjeux de la mission comme les entreprises qui vendent des prestations fortement immatérielles. Dans le premier cas, l’esprit dialogique de la mission peut s’appuyer sur des réalités concrètes quand dans le second cas, les objets du dialogue doivent être très soigneusement détourés pour rendre compte d’un réel parfois insaisissable de premier abord. La capitalisation “IN ITINERE” des missions de vérification, a fortiori quand elle bénéficie d’apports académiques et d’échanges avec des parties prenantes concernées par ces enjeux, permet d’affiner des réponses à ces défis méthodologiques et pratiques coriaces.
Qu’est-ce que cela nous enseigne du point de vue des entreprises à mission ?
Le processus de formulation de la mission a des effets directs sur la façon dont la mission sera exécutée. Nos missions de vérification nous invitent à envisager l’enjeu de l’appropriation de la mission du point de vue de sa réception par les parties prenantes. Une mission “récitante” (qui semble appropriée) n’a pas d’intérêt si elle n’est pas “reçue” dans chacun des métiers de l’entreprise. Il vaut mieux une mission “narrative”, notamment dans le dialogue avec le Comité de Mission, qui interroge la possibilité de l’exprimer au cœur des métiers, qui explore les expérimentations auxquels son exécution donne lieu.
Un autre enseignement porte sur l’importance des « prises » concrètes dans l’exécution de la mission : tel évènement, tel nouveau client ou partenaire, telle offre hier contestée qui rencontre son marché. Ces prises, qui jalonnent l’exécution de la mission, constituent un patrimoine, un savoir d’expérience, à partir duquel les entreprises peuvent continuer de prendre des risques, d’explorer. Ces prises (renoncement, initiatives, difficultés) permettent d’objectiver l’exécution de la mission. On pourrait d’ailleurs imaginer que le Comité de Mission incite régulièrement à cet exercice de recension des “prises”, même modestes pour documenter la mise en visibilité de l’exécution de la mission.
Dernier point de capitalisation : que faire de la vérification ? Un rapport qu’on range ? Que personne ne lit réellement ? A fortiori quand tous les objectifs sont respectés ! Certaines entreprises à mission inventent des usages du rapport pour nourrir la dynamique d’exploration que leur ouvre leur mission. En introduisant de nouvelles façons d’exécuter leur mission, via par exemple des expérimentations formelles, qui pourront faire des objets féconds pour la prochaine vérification ! Ce faisant, elles font un usage de la vérification au service du caractère génératif de la mission, dans l’esprit de ce que le législateur a voulu impulser.
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François Cueille :
La signification d’une proposition, c’est sa méthode de vérification
Rudolph Carnap
Cette citation nous invite à répondre aux 2 questions suivantes s’agissant de l’entreprise à mission : Quelle est la signification de la société à mission ? et quelle méthode de vérification pourrait épouser cette signification ?
La mission constitue un idéal, celui que l’entreprise entend poursuivre dans le cadre de ses activités. Idéal à la fois déjà présent, à maintenir, mais également une invitation à explorer, à innover. La lecture de l’activité à l’aune de cet idéal doit permettre d’identifier ce qui fait tension entre le réel et le désirable. En cela, la mission est un vecteur d’innovations souhaitables. Cette innovation passe par la formulation de ce qui fait tension et la mobilisation d’efforts de conception ou de reconception de l’activité sur ces tensions (pour reprendre la notion proposée par Jérémy Lévêque).
Ces tensions ne sont pas des abstractions individuelles de ce que chacun souhaiterait que l’entreprise soit. Elles formalisent ce qui empêche la mission d’advenir. Elles expriment les sujets qui remettent en question la poursuite de l’activité : ici des évolutions climatiques qui impactent l’activité (la raréfaction de la neige dans les stations de ski de moyenne altitude, l’accès à l’eau en été dans certaines régions impactant les cultures, ou le surplus d’eau générant des inondations et modifiant l’aménagement du territoire) là des évolutions des attentes des consommateurs ou encore des évolutions de la loi qu’il faut anticiper.
Ainsi, la mission permet d’exprimer les tensions qu’il est légitime d’aborder pour permettre la survie de l’entreprise.
Nous avons donc les points saillants de la vérification de la société à mission :
- La possibilité d’aborder des tensions
- Des évolutions de l’activités variées : renoncements, expérimentations, prospective, etc.
Partant de ce constat, comment rendre compte de ces éléments ?
La logique dominante en matière de vérification (le principe de l’audit de compte de performance financier et extra-financier) consisterait à vérifier les standards de l’activité. Ce faisant, il faudrait standardiser des logiques d’innovations variées. Ce qui n’est pas impossible mais tendrait à mettre en péril ces innovations en se focalisant sur la possibilité d’en rendre compte plutôt que sur l’innovation elle-même. Le plus délicat serait le fait de rendre compte de la capacité de l’entreprise à formuler des tensions ayant trait à son modèle d’affaires. La mission, en sa qualité de cadre de valeur, est avant tout une intention, par nature invérifiable par le biais de capteurs externes. Les valeurs qui guident les actions se révèlent avant tout dans l’adversité : « ce sont les situations axiologiques problématiques qui, tel un miroir grossissant, nous donnent accès aux outils dont disposent les acteurs pour conduire des évaluations satisfaisantes » (Nathalie Heinich).
Proposition qui nous offre une piste pour vérifier la mission de l’entreprise. Tel un précipité en chimie, la mission se révèle lorsqu’elle est mise en discussion, débattue, qu’elle donne lieu à la possibilité d’exprimer ce qui fait tension. Le tout dans un environnement de confiance mutuelle entre l’entreprise vérifiée et ceux qui appliquent le « réactant »
1Citation de Nathalie Heinich. Pour une sociologie axiologique. Questions de communication, 33, Article 33. 2018
Details:
Speakers:
Jérémy Leveque, Pascale Levet, François CueilleWebsite:
initiere.frEvent Type:
BusinessOrganized By:
IN ITINERE